Prendre soin de la nature et des hommes. Cette mission du Village de François se vit au quotidien dans le chantier d’insertion de La Bonne Ferme, pépinière de talents pour les dix personnes qui s’y reconstruisent. Un parcours du grain à l’assiette.
Il est 8h30, Daniel refait un dernier décompte de la commande d’œufs bio prête à partir chez un restaurateur réputé de la région. Depuis deux mois, il vit au Village de François, à l’abbaye Désert, accueilli dans une colocation. Comme d’autres, il est employé chaque matin par La Bonne Ferme, le chantier d’insertion de maraîchage en permaculture, certifié en bio, développé sur les terres de l’abbaye. Un peu plus de 600 poules pondeuses ont trouvé leur place dans l’emploi du temps bien char- gé de Daniel qui vit sa première haute saison où la récolte des derniers melons vient paver la voie aux premières courges. Les œufs, désormais : il maîtrise. « Ici on ne manque pas de choses à faire. Il faut nourrir les poules, récolter les œufs, les conditionner et préparer les com- mandes. Ensuite, on va aider les autres sur les légumes. »
Chaque personne se voit confier des tâches très diverses. Cinquante variétés de légumes sont cultivées à l’abbaye du Désert. « Ici, on essaie de faire un maximum sur place : des semis à la vente », nous explique Boris, le chef de culture. Lui, après 15 ans passés comme maraîcher, son désir, c’était de transmettre et d’aider ceux qui ont besoin qu’on leur tende la main. Il est accompagné par Julie Bongiovanni, la directrice, qui veille au bon fonctionnement et à la rentabilité de la structure. Depuis le lancement, Boris est secondé par Hélène Pontier. Lancée au printemps 2022, l’équipe a réussi à diversifier ses canaux de distribution : des restaurateurs en direct aux points de vente fixes tels qu’épiceries locales, primeurs et boucheries, sans compter la boutique de l’abbaye du Désert où l’on re- trouve l’ensemble de ces légumes bio.
Cette année ce sont près de 9 tonnes de légumes et 180.000 œufs qui sont produits sur ce que seront, à terme, près de 1,5ha d’exploitation légumière de plein champ et 3 à 4 hectars du verger qui est encore à l’état de projet. Environ 10 personnes sont confiées par Julie à la main experte de son chef de culture, garant du moral des troupes. « Le maraîchage, c’est un métier exigeant. La terre est basse. Avant de cueillir les fruits de son travail, il faut préparer le sol, associer les bonnes espèces entre elles, au moment opportun. Parfois braver le froid ou les chaleurs intenses. Mais c’est comme ça qu’on est pleinement satisfait, lorsque le client revient content de la qualité de notre travail. C’est encourageant. »
Pour beaucoup, c’est la première fois qu’ils re- tournent au travail après plusieurs années difficiles. Ils trouvent à La Bonne Ferme, en plus d’une écoute et d’un cadre bienveillant, un véritable accompagnement professionnel, pour les aider à démêler des situations personnelles restées comme des boulets dans leur chemine- ment. Dans le jargon, on nomme cela les freins à l’emploi. Elena, la conseillère d’insertion, en témoigne : « Chaque personne est unique et possède un parcours qui lui est propre. Il faut s’adapter continuellement et l’aider à remettre le pied à l’étrier. »
Ils sont nombreux déjà, après un temps passé à La Bonne Ferme, à avoir pu retrouver un emploi : Audrey est désormais employée à l’hôtellerie de l’abbaye comme réceptionniste. Jéré- my travaille maintenant à la miellerie quand Yann, lui, s’est vu ouvrir les portes d’Intermarché comme employé de rayon. Une nouvelle vie est semée. L’espoir germe. C’est bien cela qui est cultivé ici.